CHAPITRE VI Porc et poivre (8)
Elle déposa donc par terre le petit animal, et se sentit toute soulagée de le
voir trotter tranquillement vers le bois. « S’il avait grandi, » se dit-elle, « il
serait devenu un bien vilain enfant ; tandis qu’il fait un assez joli petit porc, il
me semble. » Alors elle se mit à penser à d’autres enfants qu’elle connaissait
et qui feraient d’assez jolis porcs, si seulement on savait la manière de s’y
prendre pour les métamorphoser. Elle était en train de faire ces réflexions,
lorsqu’elle tressaillit en voyant tout à coup le Chat assis à quelques pas de
là sur la branche d’un arbre.
Le Chat grimaça en apercevant Alice. Elle trouva qu’il avait l’air bon
enfant, et cependant il avait de très longues griffes et une grande rangée de
dents ; aussi comprit-elle qu’il fallait le traiter avec respect.
« Grimaçon ! » commença-t-elle un peu timidement, ne sachant pas du
tout si cette familiarité lui serait agréable ; toutefois il ne fit qu’allonger sa
grimace.
« Allons, il est content jusqu’à présent, » pensa Alice, et elle continua :
« Dites-moi, je vous prie, de quel côté faut-il me diriger ? »
« Cela dépend beaucoup de l’endroit où vous voulez aller, » dit le Chat.
« Cela m’est assez indifférent, » dit Alice.
« Alors peu importe de quel côté vous irez, » dit le Chat.
« Pourvu que j’arrive quelque part » ajouta Alice en explication.
« Cela ne peut manquer, pourvu que vous marchiez assez longtemps. »
Alice comprit que cela était incontestable ; elle essaya donc d’une autre
question : « Quels sont les gens qui demeurent par ici ? »