CHAPITRE VI Porc et poivre (9)
« De ce côté-ci, » dit le Chat, décrivant un cercle avec sa patte droite,
« demeure un chapelier ; de ce côté-là, » faisant de même avec sa patte
gauche, « demeure un lièvre. Allez voir celui que vous voudrez, tous deux
sont fous. »
« Mais je ne veux pas fréquenter des fous, » fit observer Alice.
« Vous ne pouvez pas vous en défendre, tout le monde est fou ici. Je suis
fou, vous êtes folle. »
« Comment savez-vous que je suis folle ? » dit Alice.
« Vous devez l’être, » dit le Chat, « sans cela vous ne seriez pas venue
ici. »
Alice pensa que cela ne prouvait rien. Toutefois elle continua : « Et
comment savez-vous que vous êtes fou ? »
« D’abord, » dit le Chat, « un chien n’est pas fou ; vous convenez de
cela. »
« Je le suppose, » dit Alice.
« Eh bien ! » continua le Chat, « un chien grogne quand il se fâche, et
remue la queue lorsqu’il est content. Or, moi, je grogne quand je suis content,
et je remue la queue quand je me fâche. Donc je suis fou. »
« J’appelle cela faire le rouet, et non pas grogner, » dit Alice.
« Appelez cela comme vous voudrez, » dit le Chat. « Jouez-vous au
croquet avec la Reine aujourd’hui ? »
« Cela me ferait grand plaisir, » dit Alice, « mais je n’ai pas été invitée. »
« Vous m’y verrez, » dit le Chat ; et il disparut.
Alice ne fut pas très étonnée, tant elle commençait à s’habituer aux
évènements extraordinaires. Tandis qu’elle regardait encore l’endroit que le
Chat venait de quitter, il reparut tout à coup.