CHAPITRE VII Un thé de fous (4)
« Et pourquoi marquerait-elle l’heure ? » murmura le Chapelier. « Votre
montre marque-t-elle dans quelle année vous êtes ? »
« Non, assurément ! » répliqua Alice sans hésiter. « Mais c’est parce
qu’elle reste à la même année pendant si longtemps. »
« Tout comme la mienne, » dit le Chapelier.
Alice se trouva fort embarrassée. L’observation du Chapelier lui
paraissait n’avoir aucun sens ; et cependant la phrase était parfaitement
correcte. « Je ne vous comprends pas bien, » dit-elle, aussi poliment que
possible.
« Le Loir est rendormi, » dit le Chapelier ; et il lui versa un peu de thé
chaud sur le nez.
Le Loir secoua la tête avec impatience, et dit, sans ouvrir les yeux : « Sans
doute, sans doute, c’est justement ce que j’allais dire. »
« Avez-vous deviné l’énigme ? » dit le Chapelier, se tournant de nouveau
vers Alice.
« Non, j’y renonce, » répondit Alice ; « quelle est la réponse ? »
« Je n’en ai pas la moindre idée, » dit le Chapelier.
« Ni moi non plus, » dit le Lièvre.
Alice soupira d’ennui. « Il me semble que vous pourriez mieux employer
le temps, » dit-elle, « et ne pas le gaspiller à proposer des énigmes qui n’ont
point de réponses. »
« Si vous connaissiez le Temps aussi bien que moi, » dit le Chapelier,
« vous ne parleriez pas de le gaspiller. On ne gaspille pas quelqu’un. »
« Je ne vous comprends pas, » dit Alice.
« Je le crois bien, » répondit le Chapelier, en secouant la tête avec mépris ;
« je parie que vous n’avez jamais parlé au Temps. »