CHAPITRE VII Un thé de fous (7)
« Racontez-nous une histoire, » dit le Lièvre.
« Ah ! Oui, je vous en prie, » dit Alice d’un ton suppliant.
« Et faites vite, » ajouta le Chapelier, « sans cela vous allez vous
rendormir avant de vous mettre en train. »
« Il y avait une fois trois petites sœurs, » commença bien vite le Loir, « qui
s’appelaient Elsie, Lacie, et Tillie, et elles vivaient au fond d’un puits. »
« De quoi vivaient-elles ? » dit Alice, qui s’intéressait toujours aux
questions de boire ou de manger.
« Elles vivaient de mélasse, » dit le Loir, après avoir réfléchi un instant.
« Ce n’est pas possible, comprenez donc, » fit doucement observer Alice ;
« cela les aurait rendues malades. »
« Et en effet, » dit le Loir, « elles étaient très malades. »
Alice chercha à se figurer un peu l’effet que produirait sur elle une
manière de vivre si extraordinaire, mais cela lui parut trop embarrassant, et
elle continua : « Mais pourquoi vivaient-elles au fond d’un puits ? »
« Prenez un peu plus de thé, » dit le Lièvre à Alice avec empressement.
« Je n’en ai pas pris du tout, » répondit Alice d’un air offensé. « Je ne
peux donc pas en prendre un peu plus »
« Vous voulez dire que vous ne pouvez pas en prendre moins, » dit le
Chapelier. « Il est très aisé de prendre un peu plus que pas du tout. »
« On ne vous a pas demandé votre avis, à vous, » dit Alice.
« Ah ! qui est-ce qui se permet de faire des observations ? » demanda le
Chapelier d’un air triomphant.