Un grand rosier se trouvait à l’entrée du jardin ; les roses qu’il portait
étaient blanches, mais trois jardiniers étaient en train de les peindre en rouge.
Alice s’avança pour les regarder, et, au moment où elle approchait, elle en
entendit un qui disait : « Fais donc attention, Cinq, et ne m’éclabousse pas
ainsi avec ta peinture. »
« Ce n’est pas de ma faute, » dit Cinq d’un ton bourru, « c’est Sept qui
m’a poussé le coude, »
Là-dessus Sept leva les yeux et dit : « C’est cela, Cinq ! Jetez toujours le
blâme sur les autres ! » « Vous feriez bien de vous taire, vous, » dit Cinq.
« J’ai entendu la Reine dire pas plus tard que hier que vous méritiez d’être
décapité ! »
« Pourquoi donc cela ? » dit celui qui avait parlé le premier.
« Cela ne vous regarde pas, Deux, » dit Sept.
« Si fait, cela le regarde, » dit Cinq ; « et je vais le lui dire. C’est pour avoir
apporté à la cuisinière des oignons de tulipe au lieu d’oignons à manger. »
Sept jeta là son pinceau et s’écriait : « De toutes les injustices – » lorsque
ses regards tombèrent par hasard sur Alice, qui restait là à les regarder, et
il se retint tout à coup. Les autres se retournèrent aussi, et tous firent un
profond salut.