CHAPITRE VII Un thé de fous (8)
Alice ne savait pas trop que répondre à cela. Aussi se servit-elle un peu
de thé et une tartine de pain et de beurre ; puis elle se tourna du côté du Loir,
et répéta sa question. « Pourquoi vivaient-elles au fond d’un puits ? »
Le Loir réfléchit de nouveau pendant quelques instants et dit : « C’était
un puits de mélasse. »
« Il n’en existe pas ! » se mit à dire Alice d’un ton courroucé. Mais le
Chapelier et le Lièvre firent « Chut ! Chut ! » et le Loir fit observer d’un ton
bourru : « Tâchez d’être polie, ou finissez l’histoire vous-même. »
« Non, continuez, je vous prie, » dit Alice très humblement. « Je ne vous
interromprai plus ; peut-être en existe-t-il un »
« Un, vraiment ! » dit le Loir avec indignation ; toutefois il voulut bien
continuer. « Donc, ces trois petites sœurs, vous saurez qu’elles faisaient tout
ce qu’elles pouvaient pour s’en tirer. »
« Comment auraient-elles pu s’en tirer ? » dit Alice, oubliant tout à fait
sa promesse.
« C’est tout simple – »
« Il me faut une tasse propre, » interrompit le Chapelier. « Avançons tous
d’une place. »
Il avançait tout en parlant, et le Loir le suivit ; le Lièvre prit la place du
Loir, et Alice prit, d’assez mauvaise grâce, celle du Lièvre. Le Chapelier
fut le seul qui gagnât au change ; Alice se trouva bien plus mal partagée
qu’auparavant, car le Lièvre venait de renverser le lait dans son assiette.
Alice, craignant d’offenser le Loir, reprit avec circonspection : « Mais je
ne comprends pas ; comment auraient-elles pu s’en tirer ? »