CHAPITRE IX Histoire de la Fausse-Tortue(7)
Ainsi ils s’approchèrent de la Fausse-Tortue, qui les regarda avec de
grands yeux pleins de larmes, mais ne dit rien.
« Cette petite demoiselle, » dit le Griffon, « veut savoir votre histoire. »
« Je vais la lui raconter, » dit la Fausse-Tortue, d’un ton grave et sourd :
« Asseyez-vous tous deux, et ne dites pas un mot avant que j’aie fini. »
Ils s’assirent donc, et pendant quelques minutes, personne ne dit mot.
Alice pensait : « Je ne vois pas comment elle pourra jamais finir si elle ne
commence pas. » Mais elle attendit patiemment.
« Autrefois, » dit enfin la Fausse-Tortue, « j’étais une vraie Tortue. »
Ces paroles furent suivies d’un long silence interrompu seulement de
temps à autre par cette exclamation du Griffon : « Hjckrrh ! » et les soupirs
continuels de la Fausse-Tortue. Alice était sur le point de se lever et de dire :
« Merci de votre histoire intéressante, » mais elle ne pouvait s’empêcher
de penser qu’il devait sûrement y en avoir encore à venir. Elle resta donc
tranquille sans rien dire.
« Quand nous étions petits, » continua la Fausse-Tortue d’un ton plus
calme, quoiqu’elle laissât encore de temps à autre échapper un sanglot,
« nous allions à l’école au fond de la mer. La maîtresse était une vieille
tortue ; nous l’appelions Chélonée. »