CHAPITRE VIII Le croquet de la Reine (10)
Le raisonnement du bourreau était : qu’on ne pouvait pas trancher une
tête, à moins qu’il n’y eût un corps d’où l’on pût la couper ; que jamais il
n’avait eu pareille chose à faire, et que ce n’était pas à son âge qu’il allait
commencer.
Le raisonnement du Roi était : que tout ce qui avait une tête pouvait être
décapité, et qu’il ne fallait pas dire des choses qui n’avaient pas de bon sens.
Le raisonnement de la Reine était : que si la question ne se décidait pas en
moins de rien, elle ferait trancher la tête à tout le monde à la ronde. (C’était
cette dernière observation qui avait donné à toute la compagnie l’air si grave
et si inquiet.)
Alice ne trouva rien de mieux à dire que : « Il appartient à la Duchesse ;
c’est elle que vous feriez bien de consulter à ce sujet. »
« Elle est en prison, » dit la Reine au bourreau. « Qu’on l’amène ici. »
Et le bourreau partit comme un trait.
La tête du Chat commença à s’évanouir aussitôt que le bourreau fut
parti, et elle avait complètement disparu quand il revint accompagné de la
Duchesse ; de sorte que le Roi et le bourreau se mirent à courir de côté et
d’autre comme des fous pour trouver cette tête, tandis que le reste de la
compagnie retournait au jeu.