CHAPITRE XI Qui a volé les tartes ? (5)
« Ne poussez donc pas comme ça, » dit le Loir ; « je puis à peine respirer. »
« Ce n’est pas de ma faute, » dit Alice doucement ; « je grandis. »
« Vous n’avez pas le droit de grandir ici, » dit le Loir.
« Ne dites pas de sottises, » répliqua Alice plus hardiment ; « vous savez
bien que vous aussi vous grandissez. »
« Oui, mais je grandis raisonnablement, moi, » dit le Loir ; « et non de
cette façon ridicule. » Il se leva en faisant la mine, et passa de l’autre côté
de la salle.
Pendant tout ce temps-là, la Reine n’avait pas cessé de fixer les yeux sur
le Chapelier, et, comme le Loir traversait la salle, elle dit à un des officiers
du tribunal : « Apportez-moi la liste des chanteurs du dernier concert. » Sur
quoi, le malheureux Chapelier se mit à trembler si fortement qu’il en perdit
ses deux souliers.
« Faites votre déposition, » répéta le Roi en colère ; « ou bien je vous fais
exécuter, que vous soyez troublé ou non ! »
« Je suis un pauvre homme, Votre Majesté, » fit le Chapelier d’une voix
tremblante ; « et il n’y avait guère qu’une semaine ou deux que j’avais
commencé à prendre mon thé, et avec ça les tartines devenaient si minces
et les dragées du thé – »
« Les dragées de quoi ? » dit le Roi.
« Ça a commencé par le thé, » répondit le Chapelier.
« Je vous dis que dragée commence par un d ! » cria le Roi vivement.
« Me prenez-vous pour un âne ? Continuez ! »