【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (9)
Il tourna la tête, fâché d’ignorer où il était, inquiété par cette vision colossale
et fragile ; et, comme il levait les yeux, il aperçut le cadran lumineux de
Saint-Eustache, avec la masse grise de l’église. Cela l’étonna profondément.
Il était à la pointe Saint-Eustache.
Cependant, madame François était revenue. Elle discutait violemment
avec un homme qui portait un sac sur l’épaule, et qui voulait lui payer ses
carottes un sou la botte.
– Tenez, vous n’êtes pas raisonnable, Lacaille.... . Vous les revendez
quatre et cinq sous aux Parisiens, ne dites pas non... À deux sous, si vous
voulez.
Et, comme l’homme s’en allait :
– Les gens croient que ça pousse tout seul, vraiment... Il peut en chercher,
des carottes à un sou, cet ivrogne de Lacaille... Vous verrez qu’il reviendra.
Elle s’adressait à Florent. Puis, s’asseyant près de lui :
– Dites donc, s’il y a longtemps que vous êtes absent de Paris, vous ne
connaissez peut-être pas les nouvelles Halles ? Voici cinq ans au plus que
c’est bâti... Là, tenez, le pavillon qui est à côté de nous, c’est le pavillon
aux fruits et aux fleurs ; plus loin, la marée, la volaille, et, derrière, les gros
légumes, le beurre, le fromage... Il y a six pavillons, de ce côté-là ; puis,
de l’autre côté, en face, il y en a encore quatre : la viande, la triperie, la
Vallée... C’est très grand, mais il y fait rudement froid, l’hiver. On dit qu’on
bâtira encore deux pavillons, en démolissant les maisons, autour de la Halle
au blé. Est-ce que vous connaissiez tout ça ?
– Non, répondit Florent. J’étais à l’étranger... Et cette grande rue, celle
qui est devant nous, comment la nomme-t-on ?
– C’est une rue nouvelle, la rue du Pont-Neuf, qui part de la Seine et qui
arrive jusqu’ici, à la rue Montmartre et à la rue Montorgueil... S’il avait fait
jour, vous vous seriez tout de suite reconnu.