【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (14)
Elle reprit, sans s’offenser du silence de Florent :
– Moi, j’ai eu un neveu à Paris. Il a mal tourné, il s’est engagé... Enfin,
c’est heureux quand on sait où descendre. Vos parents, peut-être, vont être
bien surpris de vous voir. Et c’est une joie quand on revient, n’est-ce pas ?
Tout en parlant, elle ne le quittait pas des yeux, apitoyée sans doute
par son extrême maigreur, sentant que c’était un « monsieur, » sous sa
lamentable défroque noire, n’osant lui mettre une pièce blanche dans la
main.
Enfin, timidement :
– Si, en attendant, murmura-t-elle, vous aviez besoin de quelque chose...
Mais il refusa avec une fierté inquiète ; il dit qu’il avait tout ce qu’il lui
fallait, qu’il savait où aller. Elle parut heureuse, elle répéta plusieurs fois,
comme pour se rassurer elle-même sur son sort :
– Ah ! bien, alors, vous n’avez qu’à attendre le jour.
Une grosse cloche, au-dessus de la tête de Florent, au coin du pavillon des
fruits, se mit à sonner. Les coups, lents et réguliers, semblaient éveiller de
proche en proche le sommeil traînant sur le carreau. Les voitures arrivaient
toujours ; les cris des charretiers, les coups de fouet, les écrasements du
pavé sous le fer des roues et le sabot des bêtes, grandissaient ; et les voitures
n’avançaient plus que par secousses, prenant la file, s’étendant au-delà des
regards, dans des profondeurs grises, d’où montait un brouhaha confus.