【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (20)
C’était un garçon maigre, avec de gros os, une grosse tête, barbu, le nez
très fin, les yeux minces et clairs. Il portait un chapeau de feutre noir, roussi,
déformé, et se boutonnait au fond d’un immense paletot, jadis marron tendre,
que les pluies avaient déteint en larges traînées, verdâtres. Un peu courbé,
agité d’un frisson d’inquiétude nerveuse qui devait lui être habituel, il restait
planté dans ses gros souliers lacés ; et son pantalon trop court montrait ses
bas bleus.
– Bonjour, monsieur Claude, répondit gaiement la maraîchère. Vous
savez, je vous ai attendu, lundi ; et comme vous n’êtes pas venu, j’ai garé
votre toile ; je l’ai accrochée à un clou, dans ma chambre
– Vous êtes trop bonne, madame François, j’irai terminer mon étude,
un de ces jours... Lundi, je n’ai pas pu... Est-ce que votre grand prunier a
encore toutes ses feuilles ?
– Certainement.
– C’est que, voyez-vous, je le mettrai dans un coin du tableau. Il fera
bien, à gauche du poulailler. J’ai réfléchi à ça toute la semaine... Hein ! les
beaux légumes, ce matin. Je suis descendu de bonne heure, me doutant qu’il
y aurait un lever de soleil superbe sur ces gradins de choux.
Il montrait du geste toute la longueur du carreau. La maraîchère reprit :
– Eh bien, je m’en vais. Adieu... À bientôt, monsieur Claude !
Et comme elle partait, présentant Florent au jeune peintre :
– Tenez, voilà monsieur qui revient de loin, paraît-il. Il ne se reconnaît
plus dans votre gueux de Paris. Vous pourriez peut-être lui donner un bon
renseignement.