【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (23)
C’était un marchand d’herbes cuites ; au fond, des bassines luisaient ; sur
la table d’étalage, des pâtés d’épinards et de chicorée, dans des terrines,
s’arrondissaient, se terminaient en pointe, coupés, derrière, par de petites
pelles, dont on ne voyait que le manche de métal blanc. Cette vue clouait
Florent de surprise ; il devait ne pas reconnaître la boutique ; il fut le nom du
marchand, Godebœuf, sur une enseigne rouge, et resta consterné. Les bras
ballants, il examinait les pâtés d’épinards, de l’air désespéré d’un homme
auquel il arrive quelque malheur suprême.
Cependant, la fenêtre du pignon s’était ouverte, une petite vieille se
penchait, regardait le ciel, puis les Halles, au loin.
– Tiens ! mademoiselle Saget est matinale, dit Claude qui avait levé la
tête.
Et il ajouta, en se tournant vers son compagnon :
– J’ai eu une tante, dans cette maison-là. C’est une boîte à cancans... Ah !
voilà les Méhudin qui se remuent ; il y a de la lumière au second.
Florent allait le questionner, mais il le trouva inquiétant, dans son grand
paletot déteint ; il le suivit, sans mot dire, tandis que l’autre lui parlait des
Méhudin. C’étaient des poissonnières ; l’aînée était superbe ; la petite, qui
vendait du poisson d’eau douce, ressemblait à une vierge de Murillo, toute
blonde au milieu de ses carpes et de ses anguilles. Et il en vint à dire, en
se fâchant, que Murillo peignait comme un polisson. Puis, brusquement,
s’arrêtant au milieu de la rue :
– Voyons, où allez-vous, à la fin !
– Je ne vais nulle part, à présent, dit Florent accablé. Allons où vous
voudrez.