【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (26)
Lisa avait voulu conserver ce meuble, dont l’oncle Gradelle s’était servi
pendant plus de quarante ans ; elle disait qu’il leur porterait bonheur. À la
vérité, il avait des ferrures terribles, une serrure de prison, et il était si lourd
qu’on ne pouvait le bouger de place.
Lorsque Florent et Quenu entrèrent, Lisa, assise devant le tablier baissé
du secrétaire, écrivait, alignait des chiffres, d’une grosse écriture ronde,
très lisible. Elle fit un signe pour qu’on ne la dérangeât pas. Les deux
hommes s’assirent. Florent, surpris, regardait la chambre, les deux portraits,
la pendule, le lit.
– Voici, dit enfin Lisa, après avoir vérifié posément toute une page de
calculs. Écoutez-moi... Nous avons des comptes à vous rendre, mon cher
Florent.
C’était la première fois qu’elle le nommait ainsi. Elle prit la page de
calculs et continua :
– Votre oncle Gradelle est mort sans testament ; vous étiez, vous et votre
frère, les deux seuls héritiers... Aujourd’hui, nous devons vous donner votre
part.
– Mais je ne demande rien, s’écria Florent, je ne veux rien !
Quenu devait ignorer les intentions de sa femme. Il était devenu un peu
pâle, il la regardait d’un air fâché. Vraiment, il aimait bien son frère ; mais
il était inutile de lui jeter ainsi l’héritage de l’oncle à la tête. On aurait vu
plus tard.