【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (25)
Comme il voulait la remercier, elle lui dit qu’il devait se tenir tranquille,
qu’on causerait plus tard. Au bout de trois jours, le malade fut sur pied.
Alors, un matin, Quenu monta le chercher en lui disant que Lisa les attendait,
au premier, dans sa chambre.
Ils occupaient là un petit appartement, trois pièces et un cabinet. Il fallait
traverser une pièce nue, où il n’y avait que des chaises, puis un petit salon,
dont le meuble, caché sous des housses blanches, dormait discrètement dans
le demi-jour des persiennes toujours tirées, pour que la clarté trop vive ne
mangeât pas le bleu tendre du reps, et l’on arrivait à la chambre à coucher,
la seule pièce habitée, meublée d’acajou, très confortable. Le lit surtout était
surprenant, avec ses quatre matelas, ses quatre oreillers, ses épaisseurs de
couvertures, son édredon, son assoupissement ventru au fond de l’alcôve
moite. C’était un lit fait pour dormir. L’armoire à glace, la toilette-commode,
le guéridon couvert d’une dentelle au crochet, les chaises protégées par des
carrés de guipure, mettaient là un luxe bourgeois net et solide. Contre le mur
de gauche, aux deux côtés de la cheminée, garnie de vases à paysages montés
sur cuivre, et d’une pendule représentant un Gutenberg pensif, tout doré, le
doigt appuyé sur un livre, étaient pendus les portraits à l’huile de Quenu et de
Lisa, dans des cadres ovales, très chargés d’ornements. Quenu souriait ; Lisa
avait l’air comme il faut ; tous deux en noir, la figure lavée, délayée, d’un
rose fluide et d’un dessin flatteur. Une moquette où des rosaces compliquées
se mêlaient à des étoiles cachait le parquet. Devant le lit, s’allongeait un de
ces tapis de mousse, fait de longs brins de laine frisés, œuvre de patience que
la belle charcutière avait tricotée dans son comptoir. Mais ce qui étonnait,
au milieu de ces choses neuves, c’était, adossé au mur de droite, un grand
secrétaire, carré, trapu, qu’on avait fait revernir, sans pouvoir réparer les
ébréchures du marbre, ni cacher les éraflures de l’acajou noir de vieillesse.