【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (5)
Mais ce qui montait à la face de Florent, c’était un souffle frais, un vent de
mer qu’il reconnaissait, amer et salé. Il se souvenait des côtes de la Guyane,
des beaux temps de la traversée. Il lui semblait qu’une baie était là, quand
l’eau se retire et que les algues fument au soleil ; les roches mises à nu
s’essuient, le gravier exhale une haleine forte de marée. Autour de lui, le
poisson, d’une grande fraîcheur, avait un bon parfum, ce parfum un peu âpre
et irritant qui déprave l’appétit.
Monsieur Verlaque toussa. L’humidité le pénétrait, il se serrait plus
étroitement dans son cache-nez.
– Maintenant, dit-il, nous allons passer au poisson d’eau douce.
Là, du côté du pavillon aux fruits, et le dernier vers la rue Rambuteau,
le banc de la criée est entouré de deux viviers circulaires, séparés en cases
distinctes par des grilles de fonte. Des robinets de cuivre, à col de cygne,
jettent de minces filets d’eau. Dans chaque case, il y a des grouillements
confus d’écrevisses, des nappes mouvantes de dos noirâtres de carpes,
des nœuds vagues d’anguilles, sans cesse dénoués et renoués. Monsieur
Verlaque fut repris d’une toux opiniâtre. L’humidité était plus fade, une
odeur molle de rivière, d’eau tiède endormie sur le sable.