【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (20)
Robine épousait la querelle de Logre, d’un léger mouvement de
paupières. Le bossu, brusquement, trouva une victime.
– Rose ! Rose ! appela-t-il, en se penchant hors du cabinet.
Et, quand la jeune femme fut en face de lui, toute tremblante :
– Eh bien, quoi ! quand vous me regarderez !… Vous me voyez entrer et
vous ne m’apportez pas mon mazagran !
Gavard commanda deux autres mazagrans. Rose se hâta de servir les trois
consommations, sous les yeux sévères de Logre, qui semblait étudier les
verres et les petits plateaux de sucre. Il but une gorgée, il se calma un peu.
– C’est Charvet, dit-il au bout d’un instant, qui doit en avoir assez… Il
attend Clémence sur le trottoir.
Mais Charvet entra, suivi de Clémence. C’était un grand garçon osseux,
soigneusement rasé, avec un nez maigre et des lèvres minces, qui demeurait
rue Vavin, derrière le Luxembourg. Il se disait professeur libre. En politique,
il était hébertiste. Les cheveux longs et arrondis, les revers de sa redingote
râpée extrêmement rabattus, il jouait d’ordinaire au conventionnel, avec un
flot de paroles aigres, une érudition si étrangement hautaine, qu’il battait
d’ordinaire ses adversaires. Gavard en avait peur, sans l’avouer ; il déclarait,
quand Charvet n’était pas là, qu’il allait véritablement trop loin.