【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (19)
– Eh bien, et ce discours du trône, vous l’avez lu ? demanda Gavard, en
prenant un journal sur la table.
Robine haussa les épaules. Mais la porte de la cloison vitrée claqua
violemment, un bossu parut. Florent reconnut le bossu de la criée, les
mains lavées, proprement mis, avec un grand cache-nez rouge, dont un bout
pendait sur sa bosse, comme le pan d’un manteau vénitien.
– Ah ! voici Logre, reprit le marchand de volailles. Il va nous dire ce qu’il
pense du discours du trône, lui.
Mais Logre était furieux. Il faillit arracher la patère en accrochant son
chapeau et son cache-nez. Il s’assit violemment, donna un coup de poing
sur la table, rejeta le journal, en disant :
– Est-ce que je lis ça, moi, leurs sacrés mensonges !
Puis il éclata.
– A-t-on jamais vu des patrons se ficher du monde comme ça ! Il y a
deux heures que j’attends mes appointements. Nous étions une dizaine dans
le bureau. Ah bien, oui ! faites le pied de grue, mes agneaux… Monsieur
Manoury est enfin arrivé, en voiture, de chez quelque gueuse, bien sûr. Ces
facteurs, ça vole, ça se goberge… Et encore, il m’a tout donné en grosse
monnaie, ce cochon-là.