【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (22)
– Est-ce que Manoury vous a payée en monnaie ? demanda Logre à
Clémence.
Elle répondit oui, elle sortit des rouleaux de pièces d’un franc et de deux
francs, qu’elle déplia. Charvet la regardait ; il suivait les rouleaux qu’elle
remettait un à un dans sa poche, après en avoir vérifié le contenu.
– Il faudra faire nos comptes, dit-il à demi-voix.
– Certainement, ce soir, murmura-t-elle. D’ailleurs, ça doit se balancer.
J’ai déjeuné avec toi quatre fois, n’est-ce pas ? mais je t’ai prêté cent sous,
la semaine dernière.
Florent, surpris, tourna la tête pour ne pas être indiscret. Et, comme
Clémence avait fait disparaître le dernier rouleau, elle but une gorgée de
grog, s’adossa à la cloison vitrée, et écouta tranquillement les hommes qui
parlaient politique. Gavard avait repris le journal, lisant, d’une voix qu’il
cherchait à rendre comique, des lambeaux du discours du trône prononcé le
matin, à l’ouverture des Chambres. Alors Charvet eut beau jeu, avec cette
phraséologie officielle ; il n’en laissa pas une ligne debout. Une phrase
surtout les amusa énormément : « Nous avons la confiance, messieurs,
qu’appuyé sur vos lumières et sur les sentiments conservateurs du pays,
nous arriverons à augmenter de jour en jour la prospérité publique. » Logre,
debout, déclama cette phrase ; il imitait très bien avec le nez la voix pâteuse
de l’empereur.