【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (47)
– Ah ! non, répondit l’enfant. Nous nous amusons.
– Eh bien, dis-lui que je ne lui en veux plus et que je le remercie de
t’apprendre à lire.
Dès lors, l’enfant, chaque jour, eut une commission. Il allait de sa mère
à l’inspecteur, et de l’inspecteur à sa mère, chargé de mots aimables, de
demandes et de réponses, qu’il répétait sans savoir ; on lui aurait fait dire les
choses les plus énormes. Mais la belle Normande eut peur de paraître timide ;
elle vint un jour elle-même, s’assit sur la seconde chaise, pendant que Muche
prenait sa leçon d’écriture. Elle fut très douce, très complimenteuse. Florent
resta plus embarrassé qu’elle. Ils ne parlèrent que de l’enfant. Comme il
témoignait la crainte de ne pouvoir continuer les leçons dans le bureau, elle
lui offrit de venir chez eux, le soir. Puis, elle parla d’argent. Lui, rougit,
déclara qu’il n’irait pas, s’il était question de cela. Alors, elle se promit de
le payer en cadeaux, avec de beaux poissons.
Ce fut la paix. La belle Normande prit même Florent sous sa protection.
L’inspecteur finissait, d’ailleurs, par être accepté ; les poissonnières le
trouvaient meilleur homme que monsieur Verlaque, malgré ses mauvais
yeux. La mère Méhudin seule haussait les épaules ; elle gardait rancune au
« grand maigre, » comme elle le nommait d’une façon méprisante. Et, un
matin que Florent s’arrêta avec un sourire devant les viviers de Glaire, la
jeune fille, lâchant une anguille qu’elle tenait, lui tourna le dos, furieuse,
toute gonflée et toute empourprée. Il en fut tellement surpris, qu’il en parla
à la Normande.