【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (78)
– Il faudra faire table rase, disait Charvet de son ton bref, comme s’il eût
donné un coup de hache. Le tronc est pourri, on doit l’abattre.
– Oui ! oui ! reprenait Logre, se mettant debout pour être plus grand,
ébranlant la cloison sous les bonds de sa bosse. Tout sera fichu parterre,
c’est moi qui vous le dis… Après, on verra.
Bobine approuvait de la barbe. Son silence jouissait, quand les
propositions devenaient tout à fait révolutionnaires. Ses yeux prenaient une
grande douceur au mot de guillotine ; il les fermait à demi, comme s’il voyait
la chose, et qu’elle l’eût attendri ; et, alors, il grattait légèrement son menton
sur la pomme de sa canne, avec un sourd ronronnement de satisfaction.
– Cependant, disait à son tour Florent, dont la voix gardait un son lointain
de tristesse, cependant si vous abattez l’arbre, il sera nécessaire de garder des
semences… Je crois, au contraire, qu’il faut conserver l’arbre pour greffer
sur lui la vie nouvelle… La révolution politique est faite, voyez-vous ; il
faut aujourd’hui songer au travailleur, à l’ouvrier ; notre mouvement devra
être tout social. Et je vous défie bien d’arrêter cette revendication du peuple.
Le peuple est las, il veut sa part.
Ces paroles enthousiasmaient Alexandre. Il affirmait, avec sa bonne
figure réjouie, que c’était vrai, que le peuple était las.