【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (95)
Elle se planta devant la table de nuit, les mains croisées, en face de Quenu,
qui disparaissait sous l’édredon. Il essaya d’expliquer ce que ces messieurs
voulaient ; mais il s’embarrassait dans les systèmes politiques et sociaux de
Charvet et de Florent ; il parlait des principes méconnus, de l’avènement de
la démocratie, de la régénération des sociétés, mêlant le tout d’une si étrange
façon, que Lisa haussa les épaules, sans comprendre. Enfin, il se sauva en
tapant sur l’empire : c’était le règne de la débauche, des affaires véreuses,
du vol à main armée.
– Vois-tu, dit-il en se souvenant d’une phrase de Logre, nous sommes la
proie d’une bande d’aventuriers qui pillent, qui violent, qui assassinent la
France… Il n’en faut plus !
Lisa haussait toujours les épaules.
– C’est tout ce que tu as à dire ? demanda-t-elle avec son beau sang-froid.
Qu’est-ce que ça me fait, ce que tu racontes là ? Quand ce serait vrai, après ?
… Est-ce que je te conseille d’être un malhonnête homme, moi ? Est-ce que
je te pousse à ne pas payer tes billets, à tromper les clients, à entasser trop
vite des pièces de cent sous mal acquises ?… Tu me ferais mettre en colère,
à la fin ! Nous sommes de braves gens, nous autres, qui ne pillons et qui
n’assassinons personne. Cela suffit. Les autres, ça ne me regarde pas ; qu’ils
soient des canailles, s’ils veulent !