【法语版】L'île au trésor 金银岛 I (1)
I Le vieux loup de mer (1)
On me demande de raconter tout ce qui se rapporte à mes aventures
dans l’île au Trésor, – tout, depuis le commencement jusqu’à la fin, – en ne
réservant que la vraie position géographique de l’île, et cela par la raison
qu’il s’y trouve encore des richesses enfouies. Je prends donc la plume, en
l’an de grâce 1782, et je me reporte au temps où mon père tenait sur la
route de Bristol, à deux ou trois cents pas de la côte, l’auberge de l’AmiralBenbow.
C’est alors qu’un vieux marin, à la face rôtie par le soleil et balafrée d’une
immense estafilade, vint pour la première fois loger sous notre toit. Je le
vois encore, arrivant d’un pas lourd à la porte de chez nous, suivi de son
coffre de matelot qu’un homme traînait dans une brouette. Il était grand,
d’apparence athlétique, avec une face au teint couleur de brique, une queue
goudronnée qui battait le col graisseux de son vieil habit bleu, des mains
énormes, calleuses, toutes couturées de cicatrices, et ce coup de sabre qui
avait laissé sur sa face, du front au bas de la joue gauche, un sillon blanchâtre
et livide… Je me le rappelle comme si c’était d’hier, s’arrêtant pour regarder
tout autour de la baie en sifflotant entre ses dents ; puis, fredonnant cette
vieille chanson de mer qu’il devait si souvent nous faire entendre, hélas !
Ils étaient quinze matelots,
Sur le coffre du mort ;
Quinze loups, quinze matelots.
Yo-ho-ho !… Yo-ho-ho !…
Qui voulaient la bouteille…
Il chantait d’une voix aigre et cassée qui semblait s’être usée à
l’accompagnement du cabestan, et frappait comme un sourd à la porte, avec
un gros bâton de houx qu’il avait au poing. À peine entré :
« Un verre de rhum ! » dit-il rudement à mon père.