【法语版】L'île au trésor XIV (3)
XIV Le premier coup(3)
Je me rendais assez exactement compte, par le bruit des voix, de la
direction qu’il fallait prendre, et quelques oiseaux qui voletaient au-dessus
des deux interlocuteurs m’aidaient à reconnaître le but. Rampant sur les
mains et les genoux, je m’avançai sans bruit jusqu’à ce qu’enfin, glissant le
regard dans une ouverture du feuillage, j’aperçus dans une petite clairière,
au bord du marais, John Silver et un homme de l’équipage assis côte à côte
et causant.
Le soleil tombait d’aplomb sur eux. John Silver avait néanmoins jeté son
chapeau à terre et sa large face lisse et blonde, toute luisante de chaleur, était
tournée vers l’autre d’un air presque suppliant.
« Camarade, disait-il, c’est uniquement parce que j’ai pour toi une
véritable affection, tu peux croire !… Si je ne m’étais pas coiffé de toi, croistu
que j’aurais pris la peine de t’avertir ?… Tout est fini et tu n’y peux rien…
Ce que j’en dis est pour sauver ta tête ; et si quelqu’un de ces sauvages le
savait, que deviendrais-je ? Voyons, Tom, dis-le-moi un peu ?…
– John Silver répondait l’autre, – et je vis que sa figure était rouge comme
braise et que sa voix rauque tremblait d’émotion, – John Silver, vous n’êtes
pas un enfant, vous êtes un honnête homme, ou du moins vous en avez la
réputation ; vous avez de l’argent, et c’est plus qu’aucun matelot ne peut
dire ; vous êtes brave, ou je ne m’y connais pas… Pourquoi vous laisser
mener par ce tas de vauriens ?… Allons donc ! un peu de courage !… Pour
mon compte, aussi sûr que je suis là, j’aimerais mieux voir tomber mes deux
bras que trahir mes devoirs !… »