【法语版】L'île au trésor XXXII (6)
XXXII La voix dans les arbres(6)
« Je t’avais bien averti que tu gâchais ta Bible, lui dit-il en ricanant.
Puisqu’elle n’est même plus bonne pour prêter serment, que diable veux-tu
qu’en pense un esprit ?… Il s’en moque comme de ça !… »
Et il s’arrêta sur sa béquille, pour faire claquer ses gros doigts.
Mais Dick ne voulait pas être consolé. Je m’aperçus bientôt que le
malheureux avait peine à se tenir sur ses jambes. Activée par la chaleur, la
fatigue et l’épouvante, la fièvre, annoncée par le docteur Livesey, s’emparait
manifestement de lui. Heureusement pour le pauvre diable, il faisait bon
marcher sur ce plateau découvert et tapissé de mousses, où les pins, grands
et petits, poussaient loin les uns des autres, mêlés à des bouquets d’azalées et
de canneliers. Poussant droit au Nord-Ouest, nous nous rapprochions de plus
en plus de la croupe de la Longue-Vue ; à notre gauche, ma vue s’étendait
maintenant sur cette baie orientale où, la veille au matin, je m’étais éveillé
tremblant et secoué dans la pirogue.
Le premier des grands arbres atteint, on releva sa position et l’on reconnut
que ce n’était pas le bon. Il en fut de même du second. Le troisième
s’élevait à plus de deux cents pieds de haut sur un taillis épais : c’était
un véritable géant du règne végétal, qui dressait dans les airs son énorme
colonne rougeâtre, surmontée d’un parasol à l’ombre duquel un bataillon
aurait manœuvré à l’aise. Il devait se voir de loin, aussi bien de l’Est que de
l’Ouest, en pleine mer, et il aurait certes pu être marqué sur la carte comme
point de repère.