CHAPITRE IV L’habitation du Lapin Blanc (8)
« La première chose que j’aie à faire, » dit Alice en errant çà et là dans
les bois, « c’est de revenir à ma première grandeur ; la seconde, de chercher
un chemin qui me conduise dans ce ravissant jardin. C’est là, je crois, ce
que j’ai de mieux à faire ! »
En effet c’était un plan de campagne excellent, très simple et très
habilement combiné. Toute la difficulté était de savoir comment s’y prendre
pour l’exécuter. Tandis qu’elle regardait en tapinois et avec précaution à
travers les arbres, un petit aboiement sec, juste au-dessus de sa tête, lui fit
tout à coup lever les yeux.
Un jeune chien (qui lui parut énorme) la regardait avec de grands yeux
ronds, et étendait légèrement la patte pour tâcher de la toucher. « Pauvre
petit ! » dit Alice d’une voix caressante et essayant de siffler. Elle avait une
peur terrible cependant, car elle pensait qu’il pouvait bien avoir faim, et
que dans ce cas il était probable qu’il la mangerait, en dépit de toutes ses
câlineries.
Sans trop savoir ce qu’elle faisait, elle ramassa une petite baguette et la
présenta au petit chien qui bondit des quatre pattes à la fois, aboyant de joie,
et se jeta sur le bâton comme pour jouer avec. Alice passa de l’autre côté d’un
gros chardon pour n’être pas foulée aux pieds. Sitôt qu’elle reparut, le petit
chien se précipita de nouveau sur le bâton, et, dans son empressement de
le saisir, butta et fit une cabriole. Mais Alice, trouvant que cela ressemblait
beaucoup à une partie qu’elle ferait avec un cheval de charrette, et craignant
à chaque instant d’être écrasée par le chien, se remit à tourner autour du
chardon. Alors le petit chien fit une série de charges contre le bâton. Il
rauques ; puis enfin il se coucha à une grande distance de là, tout haletant,
la langue pendante, et ses grands yeux à moitié fermés.