CHAPITRE V Conseils d’une chenille (3)
« De quoi est-ce que vous ne pouvez pas vous souvenir ? » dit la Chenille.
« J’ai essayé de réciter la fable de Maître Corbeau, mais ce n’était plus
la même chose, » répondit Alice d’un ton chagrin.
« Récitez : "Vous êtes vieux, Père Guillaume," » dit la Chenille.
Alice croisa les mains et commença :
Vous êtes vieux, Père Guillaume.
Vous avez des cheveux tout gris…
La tête en bas ! Père Guillaume ;
À votre âge, c’est peu permis !
– Étant jeune, pour ma cervelle
Je craignais fort, mon cher enfant ;
Je n’en ai plus une parcelle,
J’en suis bien certain maintenant
–Vous êtes vieux, je vous l’ai dit,
Mais comment donc par cette porte,
Vous, dont la taille est comme un muid !
Cabriolez-vous de la sorte ?
–Étant jeune, mon cher enfant,
J’avais chaque jointure bonne ;
Je me frottais de cet onguent ;
Si vous payez je vous en donne.
–Vous êtes vieux, et vous mangez
Les os comme de la bouillie ;
Et jamais rien ne me laissez.
Comment faites-vous, je vous prie ?
–Étant jeune, je disputais
Tous les jours avec votre mère ;
C’est ainsi que je me suis fait
Un si puissant os maxillaire.
–Vous êtes vieux, par quelle adresse
Tenez-vous debout sur le nez
Une anguille qui se redresse
Droit comme un I quand vous sifflez ?
–Cette question est trop sotte !
Cessez de babiller ainsi,
Ou je vais, du bout de ma botte,
Vous envoyer bien loin d’ici. "