Alice commença à se sentir très mal à l’aise ; il est vrai qu’elle ne s’était
pas disputée avec la Reine ; mais elle savait que cela pouvait lui arriver
à tout moment. « Et alors, » pensait-elle, « que deviendrai-je ? Ils aiment
terriblement à couper la tête aux gens ici. Ce qui m’étonne, c’est qu’il en
reste encore de vivants. »
Elle cherchait autour d’elle quelque moyen de s’échapper, et se
demandait si elle pourrait se retirer sans être vue ; lorsqu’elle aperçut en
l’air quelque chose d’étrange ; cette apparition l’intrigua beaucoup d’abord,
mais, après l’avoir considérée quelques instants, elle découvrit que c’était
une grimace, et se dit en elle-même, « C’est le Grimaçon ; maintenant j’aurai
à qui parler. »
« Comment cela va-t-il ? » dit le Chat, quand il y eut assez de sa bouche
pour qu’il pût parler.
Alice attendit que les yeux parussent, et lui fit alors un signe de tête
amical. « Il est inutile de lui parler, » pensait-elle, « avant que ses oreilles
soient venues, l’une d’elle tout au moins. » Une minute après, la tête se
montra tout entière, et alors Alice posa à terre son flamant et se mit à raconter
sa partie de croquet, enchantée d’avoir quelqu’un qui l’écoutât. Le Chat
trouva apparemment qu’il s’était assez mis en vue ; car sa tête fut tout ce
qu’on en aperçut.