« Merci ; c’est une danse très intéressante à voir danser, » dit Alice,
enchantée que ce fût enfin fini ; « et je trouve cette curieuse chanson du
merlan si agréable ! »
« Oh ! quant aux merlans, » dit la Fausse-Tortue, « ils – vous les avez
vus, sans doute ? »
« Oui, » dit Alice, « je les ai souvent vus à dî – » elle s’arrêta tout court.
« Je ne sais pas où est Di, » reprit la Fausse-Tortue ; « mais, puisque vous
les avez vus si souvent, vous devez savoir l’air qu’ils ont ? » « Je le crois, »
répliqua Alice, en se recueillant.
« Ils ont la queue dans la bouche – et sont tout couverts de mie de pain. »
« Vous vous trompez à l’endroit de la mie de pain, » dit la Fausse-Tortue :
« la mie serait enlevée dans la mer, mais ils ont bien la queue dans la bouche,
et la raison en est que – » Ici la Fausse-Tortue bâilla et ferma les yeux.
« Dites-lui-en la raison et tout ce qui s’ensuit, » dit-elle au Griffon.
« La raison, c’est que les merlans, » dit le Griffon, voulurent absolument
aller à la danse avec les homards. Alors on les jeta à la mer. Alors ils eurent
à tomber bien loin, bien loin. Alors ils s’entrèrent la queue fortement dans la
bouche. Alors ils ne purent plus l’en retirer. Voilà tout. « Merci, » dit Alice,
« c’est très intéressant ; je n’en avais jamais tant appris sur le compte des
merlans. »
« Je propose donc, » dit le Griffon, « que vous nous racontiez quelquesunes de vos aventures. »
« Je pourrais vous conter mes aventures à partir de ce matin, » dit Alice
un peu timidement ; « mais il est inutile de parler de la journée d’hier, car
j’étais une personne tout à fait différente alors. »
« Expliquez-nous cela » dit la Fausse-Tortue
« Non, non, les aventures d’abord, » dit le Griffon d’un ton d’impatience ;
« les explications prennent tant de temps. »