【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (17)
Derrière lui, sur le carreau de la rue Rambuteau, on vendait les fruits.
Des rangées de bourriches, de paniers bas, s’alignaient, couverts de toile ou
de paille ; et une odeur de mirabelles trop mûres traînait. Une voix douce
et lente, qu’il entendait depuis longtemps, lui fit tourner la tête. Il vit une
adorable petite femme brune, assise par terre, qui marchandait.
– Dis donc, Marcel, vends-tu pour cent sous, dis ?
L’homme, enfoui dans une limousine, ne répondait pas, et la jeune
femme, au bout de cinq grandes minutes, reprenait :
– Dis, Marcel, cent sous ce panier-là, et quatre francs l’autre, ça fait-il
neuf francs qu’il faut te donner ?
Un nouveau silence se fit :
– Alors qu’est-ce qu’il faut te donner ?
– Eh ! dix francs, tu le sais bien, je te l’ai dit... Et ton Jules, qu’est-ce
que tu en fais, la Sarriette ?
La jeune femme se mit à rire, en tirant une grosse poignée de monnaie.
– Ah bien ! reprit-elle, Jules dort sa grasse matinée... Il prétend que les
hommes, ce n’est pas fait pour travailler.