【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (45)
Il serra sa ceinture, souriant, fâché ; puis, se remettant à marcher, faisant
allusion au verre de punch d’Alexandre, il dit à Florent d’une voix un peu
basse :
– C’est drôle, vous avez dû remarquer cela, vous ?... On trouve toujours
quelqu’un pour vous payer à boire, on ne rencontre jamais personne qui vous
paye à manger.
Le jour se levait. Au bout de la rue de la Cossonnerie, les maisons du
boulevard Sébastopol étaient toutes noires ; et, au-dessus de la ligne nette des
ardoises, le cintre élevé de la grande rue couverte taillait, dans le bleu pâle,
une demi-lune de clarté. Claude, qui s’était penché au-dessus de certains
regards, garnis de grilles, s’ouvrant, au ras du trottoir, sur des profondeurs
de cave où brûlaient des lueurs louches de gaz, regardait en l’air maintenant,
entre les hauts piliers, cherchant sur les toits bleuis, au bord du ciel clair. Il
finit par s’arrêter encore, les yeux levés sur une des minces échelles de fer
qui relient les deux étages de toitures et permettent de les parcourir. Florent
lui demanda ce qu’il voyait là-haut.
– C’est ce diable de Marjolin, dit le peintre sans répondre. Il est, pour sûr,
dans quelque gouttière, à moins qu’il n’ait passé la nuit avec les bêtes de la
cave aux volailles... J’ai besoin de lui pour une étude.