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【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (48)

时间:2021-10-31来源:互联网 进入法语论坛
核心提示:【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (48)Elle stendait de la pointe Saint-Eustachela rue des Halles, entre lesdeux groupes
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【Emile Zola】Le Ventre de Paris I (48)

Elle  s’étendait  de  la  pointe  Saint-Eustache  à  la  rue  des  Halles,  entre  les
deux  groupes  de  pavillons.  Et,  aux  deux  bouts,  dans  les  deux  carrefours,
le flot grandissait encore, les légumes submergeaient les pavés. Le jour se
levait lentement, d’un gris très doux, lavant toutes choses d’une teinte claire
d’aquarelle.  Ces  tas  moutonnants  comme  des  flots  pressés,  ce  fleuve  de
verdure qui semblait couler dans l’encaissement de la chaussée, pareil à la
débâcle  des  pluies  d’automne,  prenaient  des  ombres  délicates  et  perlées,
des  violets  attendris,  des  roses  teintées  de  lait,  des  verts  noyés  dans  des
jaunes, toutes les pâleurs qui font du ciel une soie changeante au lever du
soleil  ;  et,  à  mesure  que  l’incendie  du  matin  montait  en  jets  de  flammes
au fond de la rue Rambuteau, les légumes s’éveillaient davantage, sortaient
du grand bleuissement traînant à terre. Les salades, les laitues, les scaroles,
les  chicorées,  ouvertes  et  grasses  encore  de  terreau,  montraient  leurs
cœurs éclatants ; les paquets d’épinards, les paquets d’oseille, les bouquets
d’artichauts,  les  entassements  de  haricots  et  de  pois,  les  empilements  de
romaines,  liées  d’un  brin  de  paille,  chantaient  toute  la  gamme  du  vert,
de  la  laque  verte  des  cosses  au  gros  vert  des  feuilles  ;  gamme  soutenue
qui allait en se mourant, jusqu’aux panachures des pieds de céleris et des
bottes de poireaux. Mais les notes aiguës, ce qui chantait plus haut, c’étaient
toujours les taches vives des carottes, les taches pures des navets, semées
en quantité prodigieuse le long du marché, l’éclairant du bariolage de leurs
deux  couleurs.  Au  carrefour  de  la  rue  des  Halles,  les  choux  faisaient  des
montagnes ; les énormes choux blancs, serrés et durs comme des boulets de
métal pâle ; les choux frisés, dont les grandes feuilles ressemblaient à des
vasques de bronze ; les choux rouges, que l’aube changeait en des floraisons
superbes, lie de vin, avec des meurtrissures de carmin et de pourpre sombre.
À l’autre bout, au carrefour de la pointe Saint-Eustache, l’ouverture de la
rue Rambuteau était barrée par une barricade de potirons orangés, sur deux
rangs, s’étalant, élargissant leurs ventres. Et le vernis mordoré d’un panier
d’oignons, le rouge saignant d’un tas de tomates, l’effacement jaunâtre d’un
lot  de  concombres,  le  violet  sombre  d’une  grappe  d’aubergines,  çà  et  là,
s’allumaient ; pendant que de gros radis noirs, rangés en nappes de deuil,
laissaient  encore  quelques  trous  de  ténèbres  au  milieu  des  joies  vibrantes
du réveil.



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