【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (4 )
Cependant, les années passaient. Florent, qui avait hérité des
dévouements de sa mère, gardait Quenu au logis comme une grande fille
paresseuse. Il lui évitait jusqu’aux menus soins de l’intérieur ; c’était lui
qui allait chercher les provisions, qui faisait le ménage et la cuisine. Cela,
disait-il, le tirait de ses mauvaises pensées. Il était sombre d’ordinaire, se
croyait méchant. Le soir, quand il rentrait, crotté, la tête basse de la haine
des enfants des autres, il était tout attendri par l’embrassade de ce gros et
grand garçon, qu’il trouvait en train de jouer à la toupie, sur le carreau
de la chambre. Quenu riait de sa maladresse à faire les omelettes et de
la façon sérieuse dont il mettait le pot-au-feu. La lampe éteinte, Florent
redevenait triste, parfois, dans son lit. Il songeait à reprendre ses études
de droit, il s’ingéniait pour disposer son temps de façon à suivre les cours
de la Faculté. Il y parvint, fut parfaitement heureux. Mais une petite fièvre
qui le retint huit jours à la maison, creusa un tel trou dans leur budget et
l’inquiéta à un tel point, qu’il abandonna toute idée de terminer ses études.
Son enfant grandissait. Il entra comme professeur dans une pension de la
rue de l’Estrapade, aux appointements de dix-huit cents francs. C’était une
fortune. Avec de l’économie, il allait mettre de l’argent de côté pour établir
Quenu. À dix-huit ans, il le traitait encore en demoiselle qu’il faut doter.