【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (5 )
Pendant la courte maladie de son frère, Quenu, lui aussi, avait fait des
réflexions. Un matin, il déclara qu’il voulait travailler, qu’il était assez grand
pour gagner sa vie. Florent fut profondément touché. Il y avait, en face d’eux,
de l’autre côté de la rue, un horloger en chambre que l’enfant voyait toute la
journée, dans la clarté crue de la fenêtre, penché sur sa petite table, maniant
des choses délicates, les regardant à la loupe, patiemment. Il fut séduit, il
prétendit qu’il avait du goût pour l’horlogerie. Mais, au bout de quinze jours,
il devint inquiet, il pleura comme un garçon de dix ans, trouvant que c’était
trop compliqué, que jamais il ne saurait « toutes les petites bêtises qui entrent
dans une montre. » Maintenant, il préférerait être serrurier. La serrurerie le
fatigua. En deux années, il tenta plus de dix métiers. Florent pensait qu’il
avait raison, qu’il ne faut pas se mettre dans un état à contrecœur. Seulement,
le beau dévouement de Quenu, qui voulait gagner sa vie, coûtait cher au
ménage des deux jeunes gens. Depuis qu’il courait les ateliers, c’était sans
cesse des dépenses nouvelles, des frais de vêtements, de nourriture prise
au dehors, de bienvenue payée aux camarades. Les dix-huit cents francs de
Florent ne suffisaient plus. Il avait dû prendre deux leçons qu’il donnait le
soir. Pendant huit ans, il porta la même redingote.