【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (15)
Elle lui passait une cuiller, un plat. Le grand feu leur mettait le sang sous
la peau. Lui, pour rien au monde, n’aurait cessé de tourner les bouillies
grasses qui s’épaississaient sur le fourneau ; tandis que, toute grave, elle
discutait le degré de cuisson. L’après-midi, lorsque la boutique se vidait, ils
causaient tranquillement, pendant des heures. Elle restait dans son comptoir,
un peu renversée, tricotant d’une façon douce et régulière. Il s’asseyait sur
un billot, les jambes ballantes, tapant des talons contre le bloc de chêne. Et
ils s’entendaient à merveille ; ils parlaient de tout, le plus ordinairement de
cuisine, et puis de l’oncle Gradelle, et encore du quartier. Elle lui racontait
des histoires comme à un enfant ; elle en savait de très jolies, des légendes
miraculeuses, pleines d’agneaux et de petits anges, qu’elle disait d’une voix
flûtée, avec son grand air sérieux. Si quelque cliente entrait, pour ne pas se
déranger, elle demandait au jeune homme le pot du saindoux ou la boîte des
escargots. À onze heures, ils remontaient se coucher, lentement, comme la
veille. Puis, en refermant leur porte, de leur voix calme :
– Bonsoir, mademoiselle Lisa.
– Bonsoir, monsieur Quenu.