【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (16)
Un matin, l’oncle Gradelle fut foudroyé par une attaque d’apoplexie,
en préparant une galantine. Il tomba le nez sur la table à hacher. Lisa ne
perdit pas son sang-froid. Elle dit qu’il ne fallait pas laisser le mort au beau
milieu de la cuisine ; elle le fit porter au fond, dans un cabinet où l’oncle
couchait. Puis, elle arrangea une histoire avec les garçons ; l’oncle devait
être mort dans son lit, si l’on ne voulait pas dégoûter le quartier et perdre la
clientèle. Quenu aida à porter le mort, stupide, très étonné de ne pas trouver
de larmes. Plus tard, Lisa et lui pleurèrent ensemble. Il était seul héritier,
avec son frère Florent. Les commères des rues voisines donnaient au vieux
Gradelle une fortune considérable. La vérité fut qu’on ne découvrit pas un
écu d’argent sonnant. Lisa resta inquiète. Quenu la voyait réfléchir, regarder
autour d’elle du matin au soir, comme si elle avait perdu quelque chose.
Enfin, elle décida un grand nettoyage, prétendant qu’on jasait, que l’histoire
de la mort du vieux courait, qu’il fallait montrer une grande propreté. Une
après-midi, comme elle était depuis deux heures à la cave, où elle lavait elle-
même les cuves à saler, elle reparut, tenant quelque chose dans son tablier.