【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (17)
Quenu hachait des foies de cochon. Elle attendit qu’il eût fini, causant avec
lui d’une voix indifférente. Mais ses yeux avaient un éclat extraordinaire,
elle sourit de son beau sourire, en lui disant qu’elle voulait lui parler. Elle
monta l’escalier, péniblement, les cuisses gênées par la chose qu’elle portait,
et qui tendait son tablier à le crever. Au troisième étage, elle soufflait, elle
dut s’appuyer un instant contre la rampe. Quenu, étonné, la suivit sans mot
dire, jusque dans sa chambre. C’était la première fois qu’elle l’invitait à y
entrer. Elle ferma la porte ; et, lâchant les coins du tablier que ses doigts
roidis ne pouvaient plus tenir, elle laissa rouler doucement sur son lit une
pluie de pièces d’argent et de pièces d’or. Elle avait trouvé, au fond d’un
saloir, le trésor de l’oncle Gradelle. Le tas fit un grand trou, dans ce lit délicat
et moelleux de jeune fille.
La joie de Lisa et de Quenu fut recueillie. Ils s’assirent sur le bord du
lit, Lisa à la tête, Quenu au pied, aux deux côtés du tas ; et ils comptèrent
l’argent sur la couverture, pour ne pas faire de bruit. Il y avait quarante
mille francs d’or, trois mille francs d’argent, et, dans un étui de fer-blanc,
quarante-deux mille francs en billets de Banque. Ils mirent deux bonnes
heures pour additionner tout cela. Les mains de Quenu tremblaient un peu.