【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (19)
Le mariage eut lieu le mois suivant. Le quartier le trouva naturel, tout
à fait convenable. On connaissait vaguement l’histoire du trésor, la probité
de Lisa était un sujet d’éloges sans fin ; après tout, elle pouvait ne rien
dire à Quenu, garder les écus pour elle ; si elle avait parlé, c’était par
honnêteté pure, puisque personne ne l’avait vue. Elle méritait bien que
Quenu l’épousât. Ce Quenu avait de la chance, il n’était pas beau, et il
trouvait une belle femme qui lui déterrait une fortune. L’admiration alla si
loin, qu’on finit par dire tout bas que « Lisa était vraiment bête d’avoir fait
ce qu’elle avait fait. » Lisa souriait, quand on lui parlait de ces choses à
mots couverts. Elle et son mari vivaient comme auparavant, dans une bonne
amitié, dans une paix heureuse. Elle l’aidait, rencontrait ses mains au milieu
des hachis, se penchait au-dessus de son épaule pour visiter d’un coup d’œil
les marmites. Et ce n’était toujours que le grand feu de la cuisine qui leur
mettait le sang sous la peau.
Cependant, Lisa était une femme intelligente qui comprit vite la sottise
de laisser dormir leurs quatre-vingt-quinze mille francs dans le tiroir de la
commode. Quenu les aurait volontiers remis au fond du saloir, en attendant
d’en avoir gagné autant ; ils se seraient alors retirés à Suresnes, un coin de la
banlieue qu’ils aimaient. Mais elle avait d’autres ambitions. La rue Pirouette
blessait ses idées de propreté, son besoin d’air, de lumière, de santé robuste.