【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (20)
La boutique, où l’oncle Gradelle avait amassé son trésor, sou à sou, était une
sorte de boyau noir, une de ces charcuteries douteuses des vieux quartiers,
dont les dalles usées gardent l’odeur forte des viandes, malgré les lavages ; et
la jeune femme rêvait une de ces claires boutiques modernes, d’une richesse
de salon, mettant la limpidité de leurs glaces sur le trottoir d’une large rue.
Ce n’était pas, d’ailleurs, l’envie mesquine de faire la dame, derrière un
comptoir ; elle avait une conscience très nette des nécessités luxueuses du
nouveau commerce. Quenu fut effrayé, la première fois, quand elle lui parla
de déménager et de dépenser une partie de leur argent à décorer un magasin.
Elle haussait doucement les épaules, en souriant.
Un jour, comme la nuit tombait et que la charcuterie était noire, les deux
époux entendirent, devant leur porte, une femme du quartier qui disait à une
autre :
– Ah bien ! non, je ne me fournis plus chez eux, je ne leur prendrais pas un
bout de boudin, voyez-vous, ma chère... Il y a eu un mort dans leur cuisine.