【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (22)
À droite de la boutique, se trouvait la salle à manger, une pièce très
propre, avec un buffet, une table et des chaises cannées de chêne clair. La
natte qui couvrait le parquet, le papier jaune tendre. La toile cirée imitant le
chêne, la rendaient un peu froide, égayée seulement par les luisants d’une
suspension de cuivre tombant du plafond, élargissant, au-dessus de la table,
son grand abat-jour de porcelaine transparente. Une porte de la salle à
manger donnait dans la vaste cuisine carrée. Et, au bout de celle-ci, il y avait
une petite cour dallée, qui servait de débarras, encombrée de terrines, de
tonneaux, d’ustensiles hors d’usage ; à gauche de la fontaine, les pots de
fleurs fanées de l’étalage achevaient d’agoniser, le long de la gargouille où
l’on jetait les eaux grasses.
Les affaires furent excellentes. Quenu, que les avances avaient
épouvanté, éprouvait presque du respect pour sa femme, qui, selon lui,
« était une forte tête. » Au bout de cinq ans, ils avaient près de quatre-
vingt mille francs placés en bonnes rentes. Lisa expliquait qu’ils n’étaient
pas ambitieux, qu’ils ne tenaient pas à entasser trop vite ; sans cela, elle
aurait fait gagner à son mari « des mille et des cents, » en le poussant dans
le commerce en gros des cochons. Ils étaient jeunes encore, ils avaient du
temps devant eux ; puis, ils n’aimaient pas le travail salopé, ils voulaient
travailler à leur aise, sans se maigrir de soucis, en bonnes gens qui tiennent
à bien vivre.