Une après-midi, comme Florent était assis dans la charcuterie, fatigué de
courses vaines qu’il avait faites le matin à la recherche d’un emploi, Marjolin
entra. Ce grand garçon, d’une épaisseur et d’une douceur flamandes, était
le protégé de Lisa. Elle le disait pas méchant, un peu bêta, d’une force de
cheval, tout à fait intéressant, d’ailleurs, puisqu’on ne lui connaissait ni père,
ni mère. C’était elle qui l’avait placé chez Gavard.
Lisa était au comptoir, agacée par les souliers crottés de Florent, qui
tachaient le dallage blanc et rose ; deux fois déjà elle s’était levée pour jeter
de la sciure dans la boutique. Elle sourit à Marjolin.
– Monsieur Gavard, dit le jeune homme, m’envoie pour vous
demander...
Il s’arrêta, regarda autour de lui, et baissant la voix :
– Il m’a bien recommandé d’attendre qu’il n’y eût personne et de vous
répéter ces paroles, qu’il m’a fait apprendre par cœur : « Demande-leur s’il
n’y a aucun danger, et si je puis aller causer avec eux de ce qu’ils savent. »
– Dis à monsieur Gavard que nous l’attendons, répondit Lisa, habituée
aux allures mystérieuses du marchand de volailles.
Mais Marjolin ne s’en alla pas ; il restait en extase devant la belle
charcutière, d’un air de soumission câline. Comme touchée de cette
adoration muette, elle reprit :
– Te plais-tu chez monsieur Gavard ? Ce n’est pas un méchant homme,
tu feras bien de le contenter
– Oui, madame Lisa.
– Seulement, tu n’es pas raisonnable, je t’ai encore vu sur les toits des
Halles, hier ; puis, tu fréquentes un tas de gueux et de gueuses. Te voilà
homme, maintenant ; il faut pourtant que tu songes à l’avenir.
– Oui, madame Lisa.