【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (45)
Mais mademoiselle Saget branlait la tête. Elle resta là encore un
instant, faisant des mines dégoûtées au-dessus des plats ; puis, voyant que
décidément on se taisait et qu’elle ne saurait rien, elle s’en alla, en disant :
Non, voyez-vous, j’avais envie d’une côtelette panée, mais celle qui vous
reste est trop grasse... Ce sera pour une autre fois.
Lisa se pencha pour la suivre du regard, entre les crépines de l’étalage.
Elle la vit traverser la chaussée et entrer dans le pavillon aux fruits.
– La vieille bique ! grogna Gavard.
Et, comme ils étaient seuls, il raconta quelle place il avait trouvée pour
Florent. Ce fut toute une histoire. Un de ses amis, monsieur Verlaque,
inspecteur à la marée, était tellement souffrant, qu’il se trouvait forcé de
prendre un congé. Le matin même le pauvre homme lui disait qu’il serait
bien aise de proposer lui-même son remplaçant, pour se ménager la place,
s’il venait à guérir.
– Vous comprenez, ajouta Gavard, Verlaque n’en a pas pour six mois.
Florent gardera la place. C’est une jolie situation... Et nous mettons la police
dedans ! La place dépend de la préfecture. Hein ! sera-ce assez amusant,
quand Florent ira toucher l’argent de ces argousins !
Il riait d’aise, il trouvait cela profondément comique.
– Je ne veux pas de cette place, dit nettement Florent. Je me suis juré de
ne rien accepter de l’empire. Je crèverais de faim, que je n’entrerais pas à la
préfecture. C’est impossible, entendez-vous, Gavard !