Elle dut répondre à une dame qui venait commander une livre de
côtelettes aux cornichons. Elle quitta le comptoir, alla devant le billot, au
fond de la boutique. Là, avec un couteau mince, elle sépara trois côtelettes
d’un carré de porc ; et, levant un couperet, de son poignet nu et solide, elle
donna trois coups secs. Derrière, à chaque coup, sa robe de mérinos noir
se levait légèrement ; tandis que les baleines de son corset marquaient sur
l’étoffe tendue du corsage. Elle avait un grand sérieux, les lèvres pincées,
les yeux clairs, ramassant les côtelettes et les pesant d’une main lente.
Quand la dame fut partie et qu’elle aperçut Marjolin ravi de lui avoir vu
donner ces trois coups de couperet, si nets et si roides :
– Comment ! tu es encore là ? cria-t-elle.
Et il allait sortir de la boutique, lorsqu’elle le retint.
– Écoute, lui dit-elle, si je te revois avec ce petit torchon de Cadine... Ne
dis pas non. Ce matin, vous étiez encore ensemble à la triperie, à regarder
casser des têtes de mouton... Je ne comprends pas comment un bel homme
comme toi puisse plaire avec cette traînée, cette sauterelle,.... Allons, va, dis
à monsieur Gavard qu’il vienne tout de suite, pendant qu’il n’y a personne.
Marjolin s’en alla confus, l’air désespéré, sans répondre.