Gavard entendait et restait un peu gêné. Quenu avait baissé la tête. Mais
Lisa s’était tournée, regardait fixement Florent, le cou gonflé, la gorge
crevant le corsage. Elle allait ouvrir la bouche, quand la Sarriette entra. Il
y eut un nouveau silence.
– Ah bien ! s’écria la Sarriette avec son rire tendre, j’allais oublier
d’acheter du lard... Madame Quenu, coupez-moi douze bardes, mais bien
minces, n’est-ce pas ? pour des alouettes... C’est Jules qui a voulu manger
des alouettes... Tiens, vous allez bien, mon oncle ?
Elle emplissait la boutique de ses jupes folles. Elle souriait à tout le
monde, d’une fraîcheur de lait, décoiffée d’un côté par le vent des Halles.
Gavard lui avait pris les mains ; et elle, avec son effronterie :
– Je parie que vous parliez de moi, quand je suis entrée Qu’est-ce que
vous disiez donc, mon oncle ?
Lisa l’appela.
Voyez, est-ce assez mince comme cela ?
Sur un bout de planche, devant elle, elle coupait des bardes, délicatement.
Puis, en les enveloppant :
– Il ne vous faut rien autre chose ?
– Ma foi, puisque je me suis dérangée, dit la Sarriette, donnez-moi une
livre de saindoux... Moi, j’adore les pommes de terre frites, je fais un
déjeuner avec deux sous de pommes de terre frites et une botte de radis...
Oui, une livre de saindoux, madame Quenu.
La charcutière avait mis une feuille de papier fort sur une balance. Elle
prenait le saindoux dans le pot, sous l’étagère, avec une spatule de buis,
augmentant à petits coups, d’une main douce, le tas de graisse qui s’étalait un
peu. Quand la balance tomba, elle enleva le papier, le plia, le corna vivement,
du bout des doigts.