Lisa resta froide. La colère, très rare chez elle, était tenace et implacable.
Elle répondit oui, sèchement, du bout des lèvres.
– C’est que, voyez-vous, j’adore le boudin chaud, quand il sort de la
marmite… Je viendrai vous en chercher.
Elle avait conscience du mauvais accueil de sa rivale. Elle regarda
Florent, qui semblait l’intéresser ; puis, comme elle ne voulait pas s’en aller
sans dire quelque chose, sans avoir le dernier mot, elle eut l’imprudence
d’ajouter :
– Je vous en ai acheté avant-hier, du boudin… Il n’était pas bien frais.
– Pas bien frais ! répéta la charcutière, toute blanche, les lèvres
tremblantes.
Elle se serait peut-être contenue encore, pour que la Normande ne crût
pas qu’elle prenait du dépit, à cause de son nœud de dentelle. Mais on ne se
contentait pas de l’espionner, on venait l’insulter, cela dépassait la mesure.
Elle se courba, les poings sur son comptoir ; et, d’une voix un peu rauque :
– Dites donc, la semaine dernière, quand vous m’avez vendu cette paire
de soles, vous savez, est-ce que je suis allée vous dire qu’elles étaient
pourries devant le monde !
– Pourries !… mes soles pourries !… s’écria la poissonnière, la face
empourprée.
Elles restèrent un instant suffoquées, muettes et terribles, au-dessus des
viandes. Toute leur belle amitié s’en allait ; un mot avait suffi pour montrer
les dents aiguës sous le sourire.
– Vous êtes une grossière, dit la belle Normande. Si jamais je remets les
pieds ici, par exemple !