Alors, ils causèrent de la tante Lisa. Claude dit que sa mère ne voyait
plus la charcutière depuis longtemps. Il donna à entendre que celle-ci avait
quelque honte de sa sœur mariée à un ouvrier ; d’ailleurs, elle n’aimait
pas les gens malheureux. Quant à lui, il raconta qu’un brave homme s’était
imaginé de l’envoyer au collège, séduit par les ânes et les bonnes femmes
qu’il dessinait, dès l’âge de huit ans ; le brave homme était mort, en lui
laissant mille francs de rente, ce qui l’empêchait de mourir de faim.
– N’importe, continua-t-il, j’aurais mieux aimé être un ouvrier… Tenez,
menuisier, par exemple. Ils sont très heureux, les menuisiers. Ils ont une
table à faire, n’est-ce pas ? ils la font, et ils se couchent, heureux d’avoir
fini leur table, absolument satisfaits… Moi, je ne dors guère la nuit. Toutes
ces sacrées études que je ne peux achever me trottent dans la tête. Je n’ai
jamais fini, jamais, jamais.
Sa voix se brisait presque dans des sanglots. Puis, il essaya de rire. Il
jurait, cherchait des mots orduriers, s’abimait en pleine boue avec la rage
froide d’un esprit tendre et exquis qui doute de lui et qui rêve de se salir. Il
finit par s’accroupir devant un des regards donnant sur les caves des Halles,
où le gaz brûle éternellement. Là, dans ces profondeurs, il montra à Florent,
Marjolin et Cadine qui soupaient tranquillement, assis sur une des pierres
d’abatage des resserres aux volailles. Les gamins avaient des moyens à eux
pour se cacher et habiter les caves, après la fermeture des grilles.