– Hein ! quelle brute, quelle belle brute ! répétait Claude en parlant
de Marjolin avec une admiration envieuse. Et dire que cet animal-là est
heureux !… Quand ils vont avoir achevé leurs pommes, ils se coucheront
ensemble dans un de ces grands paniers pleins de plumes. C’est une vie ça,
au moins !… Ma foi, vous avez raison de rester dans la charcuterie ; peutêtre
que ça vous engraissera.
Il partit brusquement. Florent remonta à sa mansarde, troublé par ces
inquiétudes nerveuses qui réveillaient ses propres incertitudes. Il évita, le
lendemain, de passer la matinée à la charcuterie ; il fit une grande promenade
le long des quais. Mais, au déjeuner, il fut repris par la douceur fondante de
Lisa. Elle lui reparla de la place d’inspecteur à la marée, sans trop insister,
comme d’une chose qui méritait réflexion. Il l’écoutait, l’assiette pleine,
gagné malgré lui par la propreté dévote de la salle à manger ; la natte mettait
une mollesse sous ses pieds ; les luisants de la suspension de cuivre, le jaune
tendre du papier peint et du chêne clair des meubles, le pénétraient d’un
sentiment d’honnêteté dans le bien-être, qui troublait ses idées du faux et du
vrai. Il eut cependant la force de refuser encore, en répétant ses raisons, tout
en ayant conscience un mauvais goût qu’il y avait à faire un étalage brutal
de ses entêtements et de ses rancunes, en un pareil lieu, Lisa ne se fâcha pas ;
elle souriait au contraire, d’un beau sourire qui embarrassait plus Florent
que la sourde irritation de la veille. Au dîner, on ne causa que des grandes
salaisons d’hiver, qui allaient tenir tout le personnel de la charcuterie sur
pied.