【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (73)
– Moi, j’aime mieux être au pain sec, dit l’enfant après s’être consultée.
Léon, ayant fini de hacher, apporta la chair à saucisse dans un plat, sur
la table carrée. Mouton, qui était resté assis, les yeux sur Florent, comme
extrêmement surpris par l’histoire, dut se reculer un peu, ce qu’il lit de très
mauvaise grâce. Il se pelotonna, ronronnant, le nez sur la chair à saucisse.
Cependant, Lisa paraissait ne pouvoir cacher son étonnement ni son dégoût ;
le riz plein de vers et la viande qui sentait mauvais lui semblaient sûrement
des saletés à peine croyables, tout à fait déshonorantes pour celui qui les
avait mangées. Et, sur son beau visage calme, dans le gonflement de son
cou, il y avait une vague épouvante, en face de cet homme nourri de choses
immondes.
– Non, ce n’était pas un lieu de délices, reprit-il, oubliant la petite Pauline,
les yeux vagues sur la marmite qui fumait. Chaque jour des vexations
nouvelles, un écrasement continu, une violation de toute justice, un mépris
de la charité humaine, qui exaspéraient les prisonniers et les brûlaient
lentement d’une fièvre de rancune maladive. On vivait en bête, avec le fouet
éternellement levé sur les épaules. Ces misérables voulaient tuer l’homme…
On ne peut pas oublier, non ce n’est pas possible. Ces souffrances crieront
vengeance un jour.