【Emile Zola】Le Ventre de Paris II (82)
Augustine monta sur ses bras Pauline endormie. Quenu, qui aimait à
fermer lui-même la cuisine, congédia Auguste et Léon, en disant qu’il
rentrerait le boudin. L’apprenti se retira très rouge ; il avait glissé dans sa
chemise près d’un mètre de boudin, qui devait le griller. Puis, les Quenu et
Florent, restés seuls, gardèrent le silence. Lisa, debout, mangeait un morceau
de boudin tout chaud, qu’elle mordait à petits coups de dents, écartant ses
belles lèvres pour ne pas les brûler ; et le bout noir s’en allait peu à peu dans
tout ce rose.
– Ah bien ! dit-elle, la Normande a eu tort d’être mal polie… Il est bon,
aujourd’hui, le boudin.
On frappa à la porte de l’allée, Gavard entra. Il restait tous les soirs chez
monsieur Lebigre jusqu’à minuit. Il venait pour avoir une réponse définitive,
au sujet de la place d’inspecteur à la marée.
– Vous comprenez, expliqua-t-il, monsieur Verlaque ne peut attendre
davantage, il est vraiment trop malade… Il faut que Florent se décide. J’ai
promis de donner une réponse demain, à la première heure.
– Mais Florent accepte, répondit tranquillement Lisa, en donnant un
nouveau coup de dents dans son boudin.
Florent, qui n’avait pas quitté sa chaise, pris d’un étrange accablement,
essaya vainement de se lever et de protester.