【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (35)
Elle entra doucement dans l’eau son bras nu, un bras un peu maigre,
dont la peau de soie montrait le bleuissement tendre des veines. Quand
l’anguille se sentit touchée, elle se roula sur elle-même, en nœuds rapides,
emplissant l’auge étroite de la moire verdâtre de ses anneaux. Et, dès qu’elle
se rendormait, Claire s’amusait à l’irriter de nouveau, du bout des ongles.
– Elle est énorme, crut devoir dire Florent. J’en ai rarement vu d’aussi
belle.
Alors, elle lui avoua que, dans les commencements, elle avait eu peur
des anguilles. Maintenant, elle savait comment il faut serrer la main, pour
qu’elles ne puissent pas glisser. Et, à côté, elle en prit une, plus petite.
L’anguille, aux deux bouts de son poing fermé, se tordait. Cela la faisait rire.
Elle la rejeta, en saisit une autre, fouilla le bassin, remua ce tas de serpents
de ses doigts minces.
Puis, elle resta là un instant à causer de la vente qui n’allait pas. Les
marchands forains, sur le carreau de la rue couverte, leur faisaient beaucoup
de tort. Son bras nu, qu’elle n’avait pas essuyé, ruisselait, frais de la fraîcheur
de l’eau. De chaque doigt, de grosses gouttes tombaient.
– Ah ! dit-elle brusquement, il faut que je vous fasse voir aussi mes
carpes.